RESF: Le parcours de ces jeunes, un combat!

« Certains, bien lotis, sont hébergés « en famille citoyenne » (genre de « familles d’accueil »), tandis que d’autres sont soit en foyer encadrés par des travailleurs sociaux en sous-effectifs, soit à l’hôtel, dans des conditions désastreuses, sans possibilité de s’y faire à manger … ».

Après avoir identifié des dizaines de Mineurs Non Accompagnés (MNA), inscrits dans une formation professionnelle dans des domaines en déficit de main d’œuvre, qui voient leur contrat d’apprentissage stoppé le jour de leurs 18 ans, le Réseau Education Sans Frontière (RESF 54) les mobilise. Ainsi est né le collectif ACTION LES JEUNES 54 ! En quelques semaines, plus de 120 jeunes résidant en Meurthe-et-Moselle, l’ont rejoint.  Le 15 juin, ils vont rencontrer le préfet. Objectif ? « D’humaniser le regard porté sur eux par la Préfecture », déclare RESF 54, qui a beaucoup travaillé pour obtenir cette rencontre.   Peut-être un modèle national pour montrer le meilleur des MNA et élever la voix pacifiquement ?

Pourquoi ce collectif et comment en faire partie ? Comment aider les autres et vous aider ? Des réponses et une analyse sur l’état général de ces mineures et jeunes dans une interview exclusive pour Pro IDE, donnée par les associations RESF, A Toit pour les Migrants, la Ligue pour les Droits de l’Homme, de la Meurthe-et-Moselle.

Pro IDE – Pourquoi ce collectif ? Que peut-il changer pour du meilleur ?

Nous, bénévoles et militants, sous diverses formes, au sein d’associations et de collectifs différents et multiples, déployons tous les efforts pour accompagner des sans-papiers, jeunes et moins jeunes, personnes isolées et familles. : aide administrative, accompagnement à la scolarité, aide à l’hébergement, aide alimentaire… mais aussi militance, lutte sur le champ politique. L’ultime objectif : Faire en sorte que chacun, citoyen du monde, puisse avoir son identité restaurée sans équivoque. Considérer qu’il y a une motivation profonde, pour tous, à se trouver en France… et à y rester.

L’idée de ce collectif est d’ajouter une dimension à nos luttes, celle du pouvoir d’agir des premiers concernés. A travers l’accompagnement, l’idée est que LES JEUNES FASSENT POUR EUX-MEMES, qu’ils se mobilisent pour leur propre cause, et ce, pas seulement individuellement, mais aussi collectivement.

Nous y voyons au moins deux vertus :

  1. se sentir moins seul, moins isolé, moins abandonné, en rencontrant des pair.es, en partageant ses joies et ses peines, ses passions, son désarroi, ses envies, ses doutes…
  2. se sentir plus fort, plus confiant en leur propre avenir, en France en particulier ; mais aussi gagner en confiance en soi et croire aux luttes qu’ils peuvent mener eux-mêmes (avec un accompagnement si besoin)
« Et puis, pour couronner le tout, lorsque vous vous signalez aux autorités, la première réaction de celles-ci est de mettre en doute votre minorité, et votre légitimité à vous trouver là.  C’est alors le début du parcours du combattant : tests osseux, contrôles, discriminations… »

Pro IDE- Pourquoi les jeunes sans papiers, devraient-ils y adhérer ?

 Pour reprendre les 2 vertus ci-dessus : pour sortir de leur isolement et être plus fort ensemble.

Et, même si ça peut paraître utopique, gardons à l’esprit que l’ultime objectif de toutes ces dynamiques, c’est l’obtention de papiers.

Pro IDE- Ce collectif a-t-il un nom officiel ? Comment les jeunes de Meurthe-et-Moselle peuvent-ils y participer ? Comment peuvent-ils le contacter ?

Ce collectif s’appelle : ACTION LES JEUNES 54 ! Pour y participer, il suffit de contacter l’un des jeunes fondateurs, qui se chargera, dans un premier temps, d’ajouter le nouvel arrivant à la liste des jeunes de ce collectif. Pour obtenir un contact, envoyer un SMS au 07 77 34 79. 83

Pro IDE -Quelle est la condition de vie des jeunes arrivés en tant que mineurs non accompagnés à Nancy et plus loin en France ? Que nous disent les chiffres ? 

C’est souvent incroyable d’écouter les récits de ces jeunes arrivés à Nancy. Pourquoi Nancy ? Cela oscille entre le hasard, une vague connaissance, une précipitation… disons qu’en général, rien ne les prédestinait à vivre à Nancy. Imaginez : mineur.es  au milieu de nulle part, dans une ville à l’autre bout du monde (par rapport à leur point de départ, quelques mois ou quelques années auparavant.

« Pour la scolarité, beaucoup sont acceptés à l’école publique, mais pas tous. Selon les filières (professionnelles), le secteur public n’accepte pas ces jeunes, et lorsque le privé reste la seule voie possible de scolarisation, le Conseil Départemental refuse toute prise en charge financière !

Et puis pour couronner le tout, lorsque vous vous signalez aux autorités, la première réaction de celles-ci est de mettre en doute votre minorité, et votre légitimité à vous trouver là.  C’est alors le début du parcours du combattant : tests osseux, contrôles, discriminations…

Pour certains, les résultats de ces tests qui font l’objet de nombreuses récriminations, tant leur fiabilité est douteuse) ne permettent pas de reconnaitre leur minorité. D’autres procédures s’ouvrent alors à eux, complexes et longues.  

Néanmoins, une fois reconnus mineurs (pour ceux qui le sont), les jeunes sont pris en charge par le Conseil Départemental (CD) qui est autorité de tutelle pour les mineurs reconnus. On peut regretter que les conditions de vie de ces jeunes, même pris en charge par le CD soient parfois peu acceptables. Certains, bien lotis, sont hébergés « en famille citoyenne » (genre de « familles d’accueil »), tandis que d’autres sont soit en foyer encadrés par des travailleurs sociaux en sous-effectifs, soit à l’hôtel, dans des conditions désastreuses, sans possibilité de s’y faire à manger ni d’y travailler (devoirs scolaires…)

Pour la scolarité, beaucoup sont acceptés à l’école publique, mais pas tous. Selon les filières (professionnelles), le secteur public n’accepte pas ces jeunes, et lorsque le privé reste la seule voie possible de scolarisation, le CD refuse toute prise en charge financière ! Heureusement que la générosité populaire permet de pallier le besoin d’argent dans ces circonstances.

« Pour participer au collectif ACTION LES JEUNES 54 ! il suffit de contacter l’un des jeunes fondateurs, qu’ajoutera le nouvel arrivant à la liste des jeunes de ce collectif. Pour obtenir un contact, envoyer un SMS au 07 77 34 79. 83 »
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L’un des leaders de REST 54, Johan Chanal, et quelques membres du groupe ACTION LES JEUNES 54 ! lors d’une de leurs réunions. Nancy, Meurthe-et-Moselle, mars 2021. Crédit photo Pro IDE.

Sur la photo en-dessus: Une affiche lors d’une action de sensibilisation au sujet des migrants, organisée par de nombreuses associations, à Nancy, Meurthe-et-Moselle, place Stanislas. Avril 2021. Crédit photo PRO Ide.

La question centrale pour ces jeunes reste la non-délivrance de papiers qui conduit à les empêcher de poursuivre leur apprentissage ou de travailler même avec la garantie formelle d’un contrat de travail une fois qu’ils ont atteint les 18 ans. Quant à la protection du CD, même si elle perdure parfois quelques semaines ou quelques mois pour certains jeunes (au maximum jusqu’à 21 ans), elle cesse parfois le jour même de leur majorité, et alors beaucoup de jeunes sont mis à la rue, avec un sac en plastique empli de quelques vêtements pour tout bagage.

Pro IDE-Quelle est la perception de l’opinion publique à leur sujet en France ?

L’opinion publique se forge à partir du traitement de la question de l’immigration par les médias, à partir d’images qui passent et repassent sur les écrans de la télé et des ordinateurs. Hordes de migrants, errants dans des bidonvilles, très rapidement assimilés à des délinquants ! Ça ne donne pas envie, si ce n’est de se protéger de ces personnages fantomatiques, dont certaines âmes mal-pensantes aiment à nous faire croire qu’ils sont là pour nous cannibaliser. Rien d’étonnant à ce que la peur prenne le dessus chez beaucoup de compatriotes.

Pourtant, nous le constatons chaque jour, la mobilisation citoyenne est réelle, forte. Les élans de solidarité sont nombreux, en milieu rural comme en ville. Les initiatives de toutes sortes montrent que chez beaucoup de Français la solidarité constitue l’alpha et l’oméga de leur savoir vivre, et que la liberté, l’égalité et la fraternité sont des valeurs qui comptent pour toutes les personnes qui foulent le sol français et qui restent à inscrire dans les faits.

Pro IDE-Comment expliquez-vous cette dureté des Préfectures à l’égard de ces jeunes dès l’âge de 18 ans, alors qu’ils démontrent des niveaux d’insertion et d’’intégration élevés. Beaucoup d’entre eux ont pu trouver, également, des contrats de travail dans des secteurs très stressés qui souffrent de l’absence de travailleurs ?

 Nous pensons que les Préfectures ne font qu’appliquer les consignes reçues du sommet de l’Etat, à savoir : pas de régularisation ! Il y a un certain consensus (scientifique et politique, politique au sens noble du terme, pas au sens politicien) sur l’idée que cette posture ne tient qu’à la crainte de l’opinion publique. Vous voyez, les gens ont peur de l’immigré, et l’Etat a peur que cette peur ne se retourne contre lui. Donc, il montre la plus grande fermeté vis-à-vis de l’étranger, espérant ainsi rassurer l’électeur.

Résultat de cette politique : en effet, comme vous le dites, beaucoup ont démontré des niveaux d’insertion élevés, ont des promesses d’embauche, mais, pendant des années, ne peuvent pas obtenir de papiers, et sont obligés de vivre dans la clandestinité, dans le doute, dans l’attente d’être libres enfin en tant que citoyens du monde

Pro IDE-Quelle est la stratégie des associations de lutte pour les droits des migrants (RESF, A TOIT POUR LES MIGRANTS, LDH) pour l’avenir ? 

Selon les associations, nous nous situons sur différents domaines d’action, et nous continuons la lutte sur plusieurs champs : la solidarité (aide au logement, aide aux démarches administratives, accompagnement à la scolarité) ; l’opinion publique (démonter les idées reçues, promouvoir l’idée d’une société plus solidaire) ; le politique (mobiliser les acteurs publics, la société civile, les élus, les citoyens).

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Cet article est produit dans le cadre du projet « Migration, jeunesse et internet». Il a  été rédigé par Elda Spaho Bleta, bénévole au sein du groupe local Oxfam de Nancy, qui a porté la plus grande attention aux informations données. Les sources des informations sont citées, et lorsqu’un avis personnel est donné, il n’engage que la rédactrice. Si malgré son attention, une erreur s’était glissée dans le document, n’hésitez pas à le lui signaler en écrivant à nancy@oxfamfrance.org. Cet article est publié avec l’appui des fonds de l’Agence française du Développement et du Grand Est Solidarités et Coopérations pour le Développement et avec le soutien d’Oxfam France. Le contenu des articles n’engage pas les structures précédemment nommées.

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