Moussa raconte son histoire à Elda Spaho Bleta, journaliste et fondatrice de Pro IDE. Crédit photo Pro IDE, avril 2021

Moussa, un ancien MNA : J’ai brisé la glace en premier !

Comment un mineur étranger sans famille vit-il en France ? Que se passe-t-il dans les centres et les écoles et pourquoi la situation provoque-t-elle des affrontements de plus en plus violents ?

C’est l’histoire quotidienne « d’adultes » arrivés mineurs et non accompagnés (MNA), certains à peine 12 ans, au pays de Voltaire et de la Première Déclaration des Droits de l’Homme. À leur 18ème anniversaire, ils sont rares ceux qui ne tremblent. Protégés dans une certaine mesure par le statut de mineur, même ce dernier bouclier s’effondre silencieusement. Les avions partent avec eux à bord pour les ramener d’où ils sont venus.


Avant de parler de l’aller, il faut parler du départ. Et surtout de l’arrivée en France. De ce qui vient après. Puis, du jour où ils deviennent adultes, 18 ans. Une journée que des millions d’adolescents célèbrent bruyamment, avec joie. Mais pour eux, ce n’est pas le cas.

Mais avant de parler de l’aller, il faut parler du départ. Et surtout de l’arrivée en France. De ce qui vient après. Puis, du jour où ils deviennent adultes, 18 ans. Une journée que des millions d’adolescents célèbrent bruyamment, avec joie. Mais pour eux, ce n’est pas le cas.

La persistance de ces enfants solitaires à avancer en France, même avec des liens familiaux rompus, doit être facilement imaginée. Également, cette partie importante de leur enfance, disparue pour toujours, vécue quotidiennement dans la difficulté, d’un centre d’accueil à l’autre. Toujours accompagné de peur. Cela aussi devrait être facile à imaginer. Mais, encore une fois, ce n’est pas le cas. Par conséquent, les histoires doivent être racontées. Et Moussa, aujourd’hui âgé de 20 ans, est prêt à raconter la sienne, ici et maintenant, dans la cour d’un immeuble nancéien, rue de Drouin.

Je vis pour raconter

« Je suis arrivé en France avec seulement un ami, un enfant comme moi de 15 ans. Nous rêvions de ne plus être si pauvres et d’être régulièrement scolarisés. En Guinée, la ville où nous vivions, ce n’était tout simplement pas possible. On ne peut être éduqués l’estomac vide. Après un certain temps en arrivant en France, nous avons été divisés en différents centres. En fait, nous vivons maintenant dans des différentes villes.

 Dans un premier temps, j’ai été temporairement placé dans un Service d’Accompagnement des Mineurs Isoles Etrangers (S.A.M.I.E). J’ai pleuré tout le temps et j’ai continué à pleurer pendant longtemps … Je me sentais très seul.

On soupçonnait que je n’étais pas un mineur. Donc, jusqu’à ce que les tests osseux aient été effectués et que la décision du Juge des Enfants ait été prise, ils m’ont emmené dans un autre centre à Nancy.

Je suis arrivé en France avec seulement un ami, un enfant comme moi de 15 ans. Nous rêvions de ne plus être si pauvres et d’être régulièrement scolarisés. En Guinée, la ville où nous vivions, ce n’était tout simplement pas possible. On ne peut être éduqués l’estomac vide 

Ce dernier, non seulement ne nous a pas emmenés à l’école, mais n’avait pas non plus de programme d’éducation bien défini pour passer la journée. Sept mois interminables pendant lesquels la plupart du temps nous avons juste mangé et dormi. Et nous avons attendu sans fin. Nous étions des dizaines de garçons mineurs, de nombreuses nationalités. Personne ne nous a donné régulièrement des informations sur les procédures, ce qui était fait, ce que l’on attendait de nous. Il semblait que tout avait été laissé dans l’oubli, comme si personne ne se souvenait de nous. On ne nous a même pas offert de cours de français réguliers, sauf lorsque des bénévoles sont venus. Mais c’était quelque chose de spontané, d’irrégulier, selon les possibilités que chacun d’eux avait. De nombreux enfants ont quitté le centre, chez des personnes qu’ils ont connu ici à Nancy, essayant de marcher seuls, de trouver du travail et d’aller à l’école…

Un jour, le centre a ouvert ses portes au public, aux médias et aux associations de défense des Droits de l’Homme. Les autres mineurs m’ont chargé de les représenter, de parler, d’organiser des interviews. Et j’ai fait tout ça. J’ai raconté aux visiteurs tout ce que nous vivions, à quel point c’était difficile. J’ai également accordé une interview à un journaliste. Quelqu’un m’a dit que, parmi les visiteurs, il y avait aussi un représentant du Conseil Départemental. J’ai décidé de m’approcher de lui, je lui a posé en public des questions par rapport à notre situation. Je pense qu’on ne doit jamais avoir peur de rencontrer des gens, de réclamer ses droits.

Même si j’étais très blessé, bouleversé, je suis resté calme tout le temps. Il m’a écouté et m’a promis de poser des questions sur mon dossier. Et donc, quelques semaines plus tard, j’ai obtenu la décision officielle finale me reconnaissant comme mineur. “

ACTION LES JEUNES 54 ! lors d’une des animations place Stanislas, Nancy, Meurthe-et-Moselle, mars 2021. Crédit photo Pro IDE

Sur la photo en-dessus, le jeune Moussa donne son interview à la journaliste Elda Spaho Bleta. Avril 2021. Crédit photo Pro IDE.

Après avoir obtenu le statut de mineur

« Après la réponse, j’ai été accepté à nouveau à S.A.M.I.E et j’ai commencé l’école. Maintenant c’était au tour d’une autre difficulté ; les élèves de la classe ne m’acceptaient pas ; ils se moquaient de moi, de mon accent, ils ne m’invitaient jamais nulle part. Seuls les professeurs m’ont soutenu et aidé et je leur en suis très reconnaissant.


Je n’ai jamais eu de rancune, je n’ai jamais enlevé mon sourire et ma politesse. J’ai décidé de donner à mes camarades de classe le temps de me connaître. Ils ne me connaissaient pas, j’étais étranger, j’étais différent. Ils me découvraient.

Je n’ai jamais eu de rancune, je n’ai jamais enlevé mon sourire et ma politesse. J’ai décidé de donner à mes camarades de classe le temps de me connaître pour qui je suis vraiment. Ils ne me connaissaient pas, j’étais étranger, j’étais différent. Ils me découvraient. Ce qui circule dans les médias à propos des enfants et des jeunes comme moi, qui viennent seuls de pays pauvres, a causé beaucoup de peur parmi les gens ici en France. Nous sommes très souvent décrits comme des criminels, uniquement à cause d’une très petite partie d’entre nous. Extrêmement petite ! L’opinion publique a besoin de nous voir, de découvrir qui nous sommes vraiment. C’est à cause de ça aussi que je raconte mon histoire aujourd’hui.

J’ai été le premier à briser la glace ; C’était moi qui les ai invités en premier. J’ai cuisiné pour eux et c’était moi qui prenais l’initiative de participer aux conversations. Je travaillais dur à l’école également. Bien sûr, il y a toujours des gens qui ne changeront jamais d’avis à mon sujet, qui ne voudront jamais me connaître. Mais je ne peux pas permettre à de telles personnes de me déstabiliser du mon but de construire une vie meilleure. J’ai parcouru un long chemin, j’ai vu des gens mourir sous mes yeux en voyageant vers la France. Je ne permettrai pas que la haine d’une poignée de personnes me prive de confiance en l’avenir. Ils sont très peu nombreux, en fait la plupart s’attendent à avoir l’opportunité de nous connaître.


Ce qui circule dans les médias à propos des enfants et des jeunes comme moi, qui viennent seuls de pays pauvres, a causé beaucoup de peur parmi les gens ici en France. Nous sommes très souvent décrits comme des criminels, uniquement à cause d’une très petite partie d’entre nous.

Et cette confiance a porté ses fruits ; aujourd’hui je suis accepté et invité partout par mes camarades de classe qui n’arrivent même pas à comprendre pourquoi ils m’ont renié au début. Les choses changent. Les gens changent. Il ne faut jamais abandonner l’espoir ! Il ne faut jamais renoncer des gens !».

Après la reconnaissance officielle en tant que mineur, juste un petit moment de calme pour Musa et d’autres comme lui. Très bientôt, il aura 18 ans. C’était déjà le tour d’autres longues procédures, toujours avec le risque de rentrer dans son pays, même s’il parlait français, travaillait bénévolement, avait de très bonnes notes à l’école.

“J’ai changé plusieurs centres et hôtels où j’ai été emmené pour vivre, selon le changement d’un dispositif. Même maintenant, je me prépare à déménager. Mais j’ai continué mes efforts pour me construire en tant qu’être humain ainsi que de s’intégrer ici en France, toujours sereinement et avec persévérance, en essayant de deviner les difficultés des parties impliquées. Apprendre le français est la clé. Il faut de la patience, mais aussi la volonté de ceux qui sont au pouvoir de nous voir et de nous entendre. D’autre part, il ne faut jamais cesser de parler de notre problème. Pour le moment, j’ai un contrat “Jeune adulte “avec le Conseil Départemental qui me permet de rester en France.” (à suivre)

Cet article est produit dans le cadre du projet « Migration, jeunesse et internet». Il a  été rédigé par Elda Spaho Bleta, bénévole au sein du groupe local Oxfam de Nancy, qui a porté la plus grande attention aux informations données. Les sources des informations sont citées, et lorsqu’un avis personnel est donné, il n’engage que la rédactrice. Si malgré son attention, une erreur s’était glissée dans le document, n’hésitez pas à le lui signaler en écrivant à nancy@oxfamfrance.org. Cet article est publié avec l’appui des fonds de l’Agence française du Développement et du Grand Est Solidarités et Coopérations pour le Développement et avec le soutien d’Oxfam France. Le contenu des articles n’engage pas les structures précédemment nommées.

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